samedi 3 mars 2012

Jacques Réda - Retour au calme, Gallimard, 1989

 ©Alexis Anne Mackenzie.

   J’entends rôder par les jardins la population de la pluie.
Ces pieds nus infiniment doux qui semblent revenir
D’un pays oublié, passent en moi comme à travers
Le feuillage tout neuf d’un vieil arbuste,
Lilas ou cytise enfin redéplié sous le ciel gris
De la cour qui s’enfonce avec la tourterelle
Au fond d’autrefois sous la pluie.
Je ne sais pas qui se souvient de visages mouillés,
Tendres comme des fleurs dans les branches qui ploient à peine
Sous ces pas innombrables. Je suis
L’espace où la douceur ancienne s’approche, l’herbe
Dont chaque brin porte une goutte où l’instant et le ciel
Et les jardins sont enfermés comme dans une perle
D’éternité mais qui tremble, c’est le printemps.

Jacques Réda, Retour au calme, Gallimard, 1989, p. 103

1 commentaire:

  1. Jacques Réda est un écrivain français né à Lunéville le. Il a dirigé La Nouvelle Revue française de 1987 à 1996.

    Biographie

    Jacques Réda est tout à la fois poète, éditeur et chroniqueur de jazz. Comme poète, il est l'inventeur du vers de quatorze pieds, qu'il faut, dit-il, lire à voix haute. Il est également l'auteur de récits en prose. Comme éditeur, il a dirigé la Nouvelle Revue française de 1987 à 1996 ; il est membre du comité de lecture des éditions Gallimard. C'est lui qui a longtemps accompagné le travail d'écriture de Pierre Bergounioux. Amateur de musique, spécialement de jazz, il collabore régulièrement avec Jazz Magazine depuis 1963 et a publié plusieurs ouvrages sur le jazz dont L'Improviste (1980) qui propose une lecture de ce phénomène musical. Réda parcourt les lointains et les banlieues en train, en bus, à pied ou à solex. Il a fait à de nombreuses reprises l'éloge de la lenteur dans sa poésie.

    Éminemment sensible aux odeurs et aux ambiances, il décrit un monde de la petite vitesse, mû par les incidents les plus humbles. Il regarde Paris en ses recoins les plus secrets, les plus déserts, Tolbiac ou Vaugirard. L'écriture de Réda repose bien souvent sur une déambulation urbaine sans but prédéfini. Très loin de Philippe Jaccottet ou André Du Bouchet, qui sont ses contemporains, Réda s'est en fait choisi Paris pour territoire. Et c'est en s'y promenant à l'aventure que l'on a des chances de découvrir quelque chose d'anodin en apparence mais qui se révèle soudain merveilleux : un square minuscule au fond d'une rue, une maison abandonnée, le soleil couchant sur les Tuileries. Réda s'identifie surtout aux populations errantes, chats retournés à l'état sauvage, ou bien très modestes. Son travail poétique, il le compare, dans Les Ruines de Paris, à celui d'un éboueur, qui s'efforce, sans zèle, mais avec application, de remettre un peu d'ordre dans la ville, de la préserver de la déliquescence absolue.

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